LES MANUFACTURES FRANÇAISES AU XVIIIe SIÈCLE 431
temps son ouvrage pendant le cours du travail, tandis qu'aupa­ravant il ne pouvait le voir, si ce n'est au prix des plus grandes difficultés, qu'après son entier achèvement. Le métier, construit en trois mois par Vaucanson sur les indications de Neilson, est celui qu'on employe encore à Beauvais, les Gobelins ne travail­lant plus en basse lice.
L'initiative de Neilson produisit d'autres réformes salutaires. Le recrutement de l'atelier de basse lice rencontrait beaucoup de difficultés, tous les ouvriers se consacrant de préférence au tra­vail de la haute lice, plus estimé et mieux rétribué. Il avait fallu faire venir des tapissiers de Beauvais, d'Aubusson, même de Flandre. Pour remédier à un pareil état de choses, Neilson obtint que tous les élèves de la maison seraient tenus de faire un stage dans l'atelier de basse lice, sous sa surveillance. II établit chez lui une école ou séminaire, où douze enfants, exercés de bonne heure aux pratiques de Ia tapisserie, devaient fournir aux ateliers d'excellentes recrues.
Le laboratoire de teinture, qui avait donné de si brillants résul­tats sous l'habile direction de van den Kerchove, était tombé dans des mains inhabiles. Cest-encore Neilson qui contribua le plus à sa réorganisation en signalant à l'administration supérieure le chimiste Quemiset; en 1778, le chef de la basse lice était chargé lui-même de la direction des teintures.
. Après avoir rendu ces importants services, Neilson, presque entièrement ruiné par les avances qu'il était obligé de faire à ses ouvriers, miné par l'âge et la maladie, sollicitait son rempla­cement comme directeur des teintures sans pouvoir, l'obtenir, ll avait espéré laisser sa succession à son fils Daniel; mais, en 1779, ce jeune homme, qui donnait de grandes espérances, était enlevé par une maladie foudroyante.
Enfin, en 1784, l'habile entrepreneur parvient à se faire dé­charger du soin des teintures. Mais il lui fallut conserver la sur­veillance de la basse lice jusqu'à sa mort, survenue le 3 mars 1788. Il lui était dû à ce moment une somme considérable, s'élevant à 240,000 livres. Sa famille ne parvint jamais à en obtenir le rem­boursement.
Neilson, dont M. Curnier a retracé la vie et les travaux dans une curieuse monographie, peut être considéré comme un des chefs d'atelier qui ont fait faire le plus de progrès à la tapisserie pendant